Colline
Colline, de Giono, vous avez peut-être lu. Moi pas. J'ai un peu honte, mais je répare en le lisant maintenant. Et je suis sous le charme. Vraiment.
L'auteur nous entraine dans la chaleur sèche et crissante de l'été dans un petit village au milieu de la garrigue, sans doute dans les environs de son Manosque vital. Et l'on entend le vent qui parle aux figuiers, on frissonne lorsque le chat se pose sur le rebord d'un oeil de boeuf, on tousse lorsque le feu des collines s'approche.
Il est des phrases d'antan, des mots mystérieux ou emprunts de toute la vie de la nature provençale, qui font une ambiance, un décor dans lequel on s'abrite et où l'on sent l'odeur d'une fontaine à sec. Giono a la magie des mots, c'est un elfe méridionnal de la littérature qui sait comme nul autre retranscrire la vie rude de ses collines. Avec ici un huis-clos sauvage et intimiste sur la colline.
Tenez, vous méritez bien un extrait. J'ai choisi celui-ci parce qu'il nous fait entrer dans la vie simple de tous les jours, après d'une malade que le médecin ne pourra pas venir voir, le hameau où elle habite étant trop éloigné du monde :
"-Alors, qu'est-ce que c'est, demande Arbaud, c'est grave ?
-Non, tu le vois, c'est écrit. Un médecin y t'en foutrait pour quinze francs de drogue et puis de la diète, en veux-tu en voilà. Ca, c'est le médecin des pauvres, et puis c'est un rude, tu peux me croire. Voyons ce qu'il dit : Tisane de bourrache... Vous en avez de la bourrache ?
- Oui, oui, dit Babette.
-... faire rôtir une tranche de pain, la tremper dans du vin doux et l'appliquer sur la plante des pieds du malade... pas difficile !... Escudé : On appelle escudé, un écu de coton arrosé d'eau-de-vie et saturé de fumée d'encens... mets-lui aussi un escudé. Tiens je te marque tout ça sur ce papier. Si tu ne t'en souveins pas bien, viens me voir, j'ai le livre.
- Alors, vous êtes sûr que ce n'est rien ? demande Babette en accompagnant Jaume jusqu'au seuil. Vous êtes sûr ?
- Ne t'inquiète pas, j'en suis sûr, c'est écrit. Il tape du plat de la main sur le livre pour attester.
-Il faudra, dit Babette en rentrant, en acheter un, de ces livres.
Malgré l'escudé et les tisanes de bourrache, Marie est toujours malade. Ses petites mains sont en porcelaine. Elle regarde du fond d'elle ême.
A travers sa peau on voit le feu qui la dévore flamber autour de ses os. Elle est étendue, maigre comme un jésus."