La Grande Mademoiselle
Petite-fille d'Henri IV, nièce de Louis XIII et cousine germaine du roi de France et de Navarre Louis XIV, Anne Marie Louise d'Orléans, Duchesse de Montpensier (et bien d'autres titres), est née au Louvre le 29 mai 1627. Fille du duc Gaston d'Orléans (frère de Louis XIII) et de Marie de Bourbon, elle-même fille et unique héritière d'Henri de Bourbon (IV), elle a reçu son titre de sa pauvre mère qui décéda peu après sa naissance.
Appellée "Mademoiselle" jusqu'à la naissance de Mademoiselle d'Orléans, soeur de Louis (-Dieudonné) le 14ème, elle sera ensuite nommée, pour la différencier de cette dernière, "La grande Mademoiselle". La jeune fille avait peu de contact avec son père qui passait son temps à ourdir des complots contre son neuveu pour prendre son trône. Enfant, elle pensait justement accéder au trône en épousant Louis XIV, qui était de 11 ans son cadet, mais aucun de ses plans ne lui permit d'obtenir satisfaction. Idem pour ses manigances afin d'épouser le roi d'Angleterre Charles II. Il faut dire que non seulement elle n'était pas très sexy (le tableau qu'en a fait Charles Beaubrun ci-dessus l'arrange beaucoup), mais en plus son mauvais caractère et son goût de l'intrigue avaient tendance à rebutter les éventuels prétendants. C'était une vraie peste.
A l'âge de 21 ans, déçue, la grande Mademoiselle s'est rapprochée de son père et de ses complots contre le jeune roi. La Fronde, puisque c'est ainsi que l'on a appelé ce mouvement pour détrôner le roi, montait en puissance. Cette vilaine cousine du roi devint l'énnemie jurée du Cardinal Mazarin, conseiller de la Reine Mère, Anne d'Autriche. Anne Marie Louise sympathisa donc avec les rebelles jusqu'à épouser leur cause. Elle prit la ville d'Orléans en mars 1652 en se faisant aider de bateliers qui lui permirent d'ouvrir une brèche à partir des bords de la Loire. Son cousin Louis XIV avait alors 14 ans.
En juillet de la même année, elle prit part à la bataille du Faubourg Saint-Antoine, qui opposait les Frondeurs, menés par le Duc de Condé, et les troupes royales. C'est grâce à la cousine du roi que Condé fut sauvé. A partir de la Bastille, la grande Mademoiselle fit ouvrir les portes et ordonna de tirer sur les hommes du roi. Puis elle tenta de jouer les médiatrices entre les deux camps à partir de l'Hôtel de Ville.
Le roi, un brin rancunier, ne le lui pardonna pas et l'exila en Bourgogne, où elle dut rester pendant 5 ans. Son père, exilé également, s'installa au Château de Blois. Anne Marie Louise d'Orléans fit des séjours au Château de Saint Fargeau (Bourgogne), qu'elle avait hérité de sa mère, et qu'elle fit rénover et agrandir. Le roi finit tout de même par lui accorder son pardon en 1957 et elle put revenir à la Cour. Ceci signifiait pour elle de nouveaux projets de mariage, sauf qu'elle avait passé l'âge où l'on se marie dans ce milieu. Ainsi décida-t-elle de se concentrer sur des vues, disons plus intellectuelles. Ceci dit, elle se prit d'amour ou d'affection pour un noble du nom d'Antonin Nompar de Caumon, Duc de Lauzun, qui avait 5 ans de mois qu'elle, m'a-t-on glissé à l'oreille. Hum... Il devait avoir une position intéressante pout qu'elle "s'abaisse" à frayer avec lui. Vous le connaissez, vous, cet Antonin ? Il paraît qu'il était Colonel Général des Dragons. Regardez-le hausser le sourcil :
Ce n'est qu'après plusieurs années de vie de concubinage, en 1670, que la Grande Mademoiselle demanda au roi la permission d'épouser son dragon. Si, si, je vous assure. Et le roi donna son O.K. Cool ! Seulement Louis décida plus tard d'annuler son consentement puis fit emprisonner le Duc à Pinerolo (prison royale du Piemont italien où décéda Nicolas Fouquet).Le malheureux y resta jusqu'en 1681, donc pendant 10 ans, peuchêre, c'est-à-dire qu'il en sortit à l'âge de 49 ans. 3 ans plus tard, La grande Mademoiselle rompit avec lui et ne le revit jamais. Elle s'installa au Palais du Luxembourg où elle s'éteint le 5 avril 1693. Comme nombre de grands de France, elle fut inhumée à la Basilique de Saint-Denis et cent ans plus tard, ses cendres, comme celles de ses pairs, furent dispersées au vent par les révolutionnaires qui vinrent joyeusement profaner leurs tombes.
Si je vous ai parlé de cette intrigante "Demoiselle", c'est que le kiné de mon aîné se situe dans un ravissant Hôtel particulier montpelliérain du XVIIe siècle où elle a séjourné en 1660. Il s'agit de l'Hôtel de la Vieille Intendance, dans l'étroite rue du même nom qui fait partie du coeur historique de la ville. Mais elle n'est pas la seule personne de renom à y avoir habité : sur la plaque posée sur le mur externe, on peut lire que la reine mère Marie-Thérèse d'Autriche, le positiviste Auguste Comte, ainsi que l'écrivain sétois Paul Valéry y ont également séjourné.