Les Nabis
A l'occasion de l'exposition "DE GAUGUIN AUX NABIS - Le droit de tout oser" au MUSEE DE LODEVE (34), qui se tient en ce moment et jusqu'au 14 novembre 2010,
il m'a semblé important d'ouvrir un petit memo sur les NABIS. A ma façon.
Commençons par une date : 1888. Joli nombre. Et qui plaît aux Japonais, eux qui vénèrent le chiffre 8. C'est justement le 1er mai 1888 que paraît, sous la direction du japoniste SAMUEL BING, le 1er numéro de "Le Japon Artistique - Documents d'Art et d'Industrie" :
Pendant ce temps, à l'ACADEMIE JULIAN, certains élèves un peu dissipés s'éloignent, après les Impressionnistes, du courant académique. (Ci-dessous : "L'Académie Julian", d'après Marie Bashkirtsheff - 1881).
L'Académie (Passage des Panoramas, puis 31 rue du Dragon et 51 rue Vivienne) était une alternative à l'Ecole des Beaux-Arts en ce qu'elle permettait, contrairement à celle-ci, aux femmes (dès 1880) et aux étrangers de s'inscrire; elle ouvrait également ses portes aux amateurs. Pas mal d'indiscipline à l'Académie Julian. Les élèves sont très autonomes et certains font scandale dans le Paris de fin de siecle.
L'un des élèves, PAUL SERUSIER, a rencontré, en 1888, à PONT-AVEN, PAUL GAUGUIN.
Pont-Aven, petite bourgade bretonne qui comptait dans les 800 âmes maxi en 1800, a vu l'arrivée, après 1870, de ses premiers touristes, grâce au chemin de fer qui arrive jusque là. Et les peintres adorent ce coin de campagne reculé, avec ses traditions et sa langue uniques, ses centaines de chapelles celtiques, ses danses, son Chouchen, ses crèpes... Ses galettes...
Et Paul Gauguin, qui aime y séjourner, présente ses toiles si fiévreusement anti-conformistes dans leur thèmes et leur traitement que, forcément, il fait parler de lui. En 1888, c'est sous sa direction que Sérusier peint la fameuse toile à l'origine de bien des discussions avec ses collègues de l'Académie Julian, "LE TALISMAN".
On en parle, on en parle, de ce tableau. Et un petit groupe d'amis peintres de l'Académie Julian finit par se souder autour d'une façon d'appréhender l'Art, après s'être beaucoup questionné sur son rôle sacré.
A cette joyeuse équipe de non conformistes, un de ses membres fin penseur, AUGUSTE CAZALIS (le "Nabi ben Kallyre"), donne le nom de NABIS, mot hébreu qui désigne les "Intellectuels" et/ou "Spirituels" (certains emploient même le terme de "Prophètes").
Ils font parler d'eux. On dit qu'ils vouent un culte à ORPHEE (qui a échoué à ramener son épouse des Enfers). En tout cas, ils aiment discuter d'ésothérisme, de la Kabbale, d'anciens textes sur la mythologie grecque.
Sous l'impulsion de Gauguin, les NABIS dépoussièrent l'académisme, n'hésitant pas à utiliser des couleurs franches, exagérant ce qu'ils voient, en y mêlant symbolique et aspect pur déco. A l'instar de Gauguin ils libèrent la couleur de l'objet. Ils préfigurent l'Art Déco, qui viendra quelques années plus tard.
Les NABIS s'imprègnent d'influences nouvelles et parfois orientalistes, telles l'ORPHISEME, l'ESOTHERISME ou la THEOSOPHIE. Cette dernière se rapporte à l'idée que toutes les religions sont des projections et des tentatives afin de connaître "Le Divin", et que chacune des religions possède, par conséquent, une partie de la vérité (ce qui fait penser à la Secte du MANDAROM, je trouve). A la fin du siècle - XIXe, bien sûr - , le groupe s'éparpille et fait déjà moins jaser.
"L'Art, c'est l'arrêt du temps". Pierre Bonnard, dit "Le Nabi très japonard".
Paul Ranson, (le Nabi plus japonard que le Nabi japonard) : "Paysage".
Une toile de Maurice Denis (le "Nabi aux belles icônes), saturée, qui préfigue de Staël.
Edouard Vuillard (le "Nabi zouave") : "Femme reprisant".
Henri-Gabriel Ibels (le "Nabi journaliste") : Autoportrait. Ibels créera le journal "Le Sifflet" pour défendre Dreyfus.
"Deux bretonnes au Pouldu", de Jan Verkade (le "Nabi obeliscal").
Tire-bouchon du peintre-designer Mogen Ballin, (le "Nabi danois").
Georges Lacombe (le "Nabi sculpteur") : "Falaises à Camaret".
Jozsef Rippl-Ronai (le "Nabi hongrois") : "Femme au chapeau".
Félix Valloton (le "Nabi étranger") : "L'enlèvement d'Europe".
C'était le dernier de ma liste.