Le titre vous paraît peut-être un peu barbare ? Pourtant, vous allez comprendre.
Corcos, plus précisément Maurice Corcos, est un psychiatre humaniste. Pas une simple machine à délivrer des substances chimiques correspondant à une réponse toute faite à un diagnostic ultra normé pour l'industrie pharmaceutique toute puissante.
Le titre de son livre - que je n'ai pas encore lu mais je vais me précipiter chez mon libraire favori pour me le procurer - est :
"L'homme selon DSM"
J'ai extrait de chez Sauramps le résumé que voici :
"Après les manuels de diagnostic des troubles mentaux américains, DSM 1,2,3,4, le DSM 5 va sortir en français. Il n'y est plus question d'individu mais d'un comportement humain découpé en symptômes, susceptibles de répondre à des molécules. Outre que ces classifications sont discutables, elles enferment l'homme dans un diagnostic au lieu d'intégrer l'ensemble de sa personnalité et de la considérer dans son histoire. Cela va avec une médicalisation de la société et de l'ensemble des comportements humains. Mais peut-on réduire l'humain à des déterminismes génético-biologiques, selon un modèle anatomo-clinique simpliste ?
Maurice Corcos dénonce les abstractions et les certitudes, et met en avant une sorte de modestie du spécialiste, contre le règne des experts. Exactitude dans le diagnostic, intelligence dans les propositions thérapeutiques, talent pour mettre les phénomènes sociaux en perspective (la quantification et l'économie) et pour les replacer dans une logique historique, c'est un travail de praticien qui prend de la distance par rapport à sa pratique, se pose la question de ses fins, cherche à promouvoir une idée humaniste de l'homme et ne se laisse pas abuser par les phénomènes de mode.
Ce petit livre écrit avec beaucoup d'humanité, ouvre les yeux et le débat sur une dérive qui devrait nous interroger sur le triomphe d'une science classificatoire qui pourrait bien être elle-même le symptôme d'une société malade."
Bref : l'ouvrage me semble essentiel. Nous devons ouvrir les yeux sur la façon dont nous allons être mangés. Les braves malades que nous serons bientôt -ou que nous sommes déjà, qui sait ?- aux yeux de ce catalogue des troubles mentaux pourront-ils avoir leur mot à dire ? Rien n'est moins certain. Ce que Corcos dénonce surtout, c'est une systémisation et une extrémisation du spectre diagnostic d'un trouble ou d'une maladie mentale. Il pointe du doigt la collusion d'intérêts financiers avec ce manuel (DSM = Diagnostic and Statistical Manual), qui semble mettre tout en place pour justifier un traitement à la plus grande partie des populations mondiales, à la plus grand joie des grands laboratoires.
Il est bon de savoir qu'actuellement, on appelle trouble dépressif grave (avec médicaments prescrits) non plus une affectation à durée indéterminée, ni même de quelques mois, comme c'était le cas il y a quelques années, mais un trouble qui peut aller jusqu'à... 15 jours ! Résultat : votre trouble, quoi que passager et dû à des causes exogènes, sera étiqueté, soupesé et une ou plusieurs molécules pourront répondre aux attentes des psys prescripteurs. Miam ! Miam ! Pensent sans doute les laboratoires concernés.
Il n'est pas inutile d'être conscient qu'en l'espace de quelques années, la prescription de Ritaline (très proche de l'amphétamine) aux enfants a été multipliée par 600 % en Europe.
Renseignez-vous, lisez, écoutez autour de vous. Le sujet me paraît si important que nous ne devons pas rester sourds ou aveugles à ce qui se passe et qui risque de modifier radicalement notre façon de vivre.
Vous avez compris : les DSM sont des manuels américano-internationaux de diagnostic sur les troubles mentaux. Des manuels qui évoluent en fonction du marché et pour le marché.
Si le sujet vous intéresse mais que vous êtes moins gourmand en lecture, vous pouvez lire ce manifeste (une partie sur le lien) :
qui contient également une approche historique des classifications internationales des maladies et des troubles mentaux.