Ce mathématicien romantique
Cédric VILLANI. Voici un nom posé. Qui le connaît parmi nous ? Ce mathématicien original de 40 ans est né en Corrèze, à Brive-la-Gaillarde, capitale nationale de la Résistance, du foie gras, de la truffe et de la moutarde violette.
Après des études secondaires à Lyon et Paris, il approfondit les mathématiques à l'Ecole Normale Supérieure de Paris (ENS-"Ulm") de 1992 à 1996, puis exerce quatre ans sur place en tant qu'agrégé préparateur.
En 2010, Cédric Villani reçoit la plus prestigieuse récompense accordée à un mathématicien : la médaille Fields. Villani est un spécialiste de la physique statique (équation de Botzmann*, amortissement Landau**), de l'optimisation (transport optimal de Monge***) et de la géométrie riemannienne (théorie de la courbure de Ricci****).
Avec son look romantique qui a l'air tout droit sorti d'un film historique, Cédric Villani ne correspond pas à l'image d'un grand mathématicien telle qu'habituellement véhiculée. Ce génie de la science mathématique dirige actuellement l'Institut Poincaré à Paris et enseigne à l'Université de Lyon 1 où il a suivi ses études. Contrairement à bien d'autres "cerveaux" (non reptiliens), Villani -on a envie de l'appeler Cédric, tout simplement- a décidé de rester en France. "Le chercheur", dit-il, "est au coeur de la société. Il faut que tout le monde en ait conscience ; les entreprises gagneraient à embaucher des chercheurs, des gens capables de résoudre des problèmes." Oui, mais les entreprises ont le nez penché sur la courbe mouvante de leur quotation en bourse, pas sur la créativité. Et sans doute ont-elle tort. A force de ne pas lever leur nez...
Ce passionné de musique classique et de BD,prône le travail, la rigueur et la répétition : « Je crois beaucoup au pouvoir des exercices, les exercices permettent d'explorer de nouvelles choses, de comprendre le cours et d'assurer les bases ». Il en sait quelque chose.
En 2012, il écrit son "Théorème vivant", un passionnant récit retraçant l’histoire d’une importante découverte mathématique. Mais comment lui est venue l'idée de cette écriture ? "C'est lors d’un dîner à la Fondation Cartier sur l’art contemporain que j'ai discuté avec Olivier Nora, patron chez Grasset... Lidée de faire un livre sur la vie d’un mathématicien l'intéressait."
Réconcilier mathématique et littérature, c'est un peu l'idée. Dans "Théorème vivant", il y a un cheminement mathématique fait d’essais, d’erreurs, d’expériences, qui a influencé l'écrivain scientifique. Cédric explique : "Je voulais aussi qu’il y ait quelque chose de symétrique. Chaque chapitre comporte une petite bio ou une digression d’une forme ou d’une autre, comme des citations de bouquins, des équations, des commentaires sur des morceaux de musique, des mails, des portraits…"
Ci-dessus : une partie de l'équation de Boltzmann
Pour ceux qui voudraient comprendre le pourquoi de son style vestimentaire qui le fait ressembler à Frédéric Chopin (costume à jabot, lavallière en soie, montre à gousset...), sachez qu'il se fournit chez un costumier de théâtre du 6e arrondissement de Paris cher à mon amie Sylvie : THEATR'HALL (http://www.theatrhall.com/home.php), au 3 Carrefour de l'Odéon (à deux pas de la station de métro éponyme). Cédric Villani avoue qu'il a opté pour un style qui lui correspond. Il n'aime pas suivre béatement le troupeau des suiveurs et aime qu'on le remarque. Pas de fausse modestie, donc.
"En 1993, j’ai eu une révélation. Dans une boutique rue de l’Odéon, j’ai vu une chemise ancienne avec des dentelles et je me suis dit : voilà ce que j’aime. J’ai fait disparaître mon anorak, mon chandail troué, mon jean, pour m’habiller de façon romantique et voyante. Je trouve agréable que les gens se retournent sur votre passage et vous regardent comme un animal. Je porte en permanence dans mon cartable une collection de lavallières, dont je choisis la couleur en fonction de mon humeur... J’ai eu un traumatisme avec une araignée en 1996... C’est pour conjurer ce traumatisme que j’en ai toujours une sur mon épaule. J’en ai de toutes les couleurs afin de les assortir à mes lavallières." (Extrait de Madame Figaro)
En savoir un peu plus ? Quelques liens :
http://cedricvillani.org/biography/
http://fr.wikipedia.org/wiki/C%C3%A9dric_Villani
http://madame.lefigaro.fr/feminin/cedric-villani-091210-22121
* L'Equation de Boltzmann (Ludwig Boltzmann - Autrichien né en 1906, partisan d'une approche évolutionniste proche de Charles Darwin, il se suicide en 1906, affecté par les réactions vives de confrères physiciens) :
C'est une équation intégro-différencielle de la théorie cinétique qui explique l'évolution d'un gaz de faible densité hors équilibre. Cette équation permet de démontrer la relaxation du gaz en état d'équilibre local vers l'équilibre global, ce qui correspond au "théorème H" selon lequel il existe une unité de grandeur H (t) qui varie au cours du temps pendant cette relaxation gazeuse, dite "Distribution de Maxwell" des vitesses. Une première solution analytique complète a été obtenue dans le cas des interactions de type « sphères dures » par Ukai dans les années 1970, mais seulement pour des solutions proches de l'équilibre.
** L'Amortissement Landau (Leon Davidovitch Landau - 1908-1968 - Russe, père d'une étude sur la polarisation des électrons libres et de l'analyse spectrale des molécules diatomiques) :
C'est le phénomène d'amortissement des oscillation longitudinales du champ électrique. Il correspond au transfert d'énergie entre les ondes électromagnétiques et les électrons. Cet effet, qui empêche le développement de l'instabilité et crée une région stable dans l'espace des paramètres, est utilisé notamment pour générer des courants électriques dans les plasmas confinés dans les Tokamaks (chambre cylindrique de confinement magnétique dont le but est de contrôler un plasma afin d'étudier la possibilité de production d'énergie par fusion nucléaire).
Ci-dessus : Tokamak de Cadarache, en fonction depuis 1988 - Photo : CEA
*** Transport optimal de Monge (Gaspard Monge - 1746-1818 - Co-créateur de l'Ecole des Arts et Métiers, de l'Ecole Normale de l'an III et de l'Ecole Polytechnique, Chargé de mission dans l'Expédition d'Egypte) :
Dans son mémoire sur la théorie des déblais et des remblais, ce théoricien étudiait un problème des plus concrets (déplacer au mieux un tas de sable !) en lui appliquant une méthode rigoureuse, « optimale » dirions-nous aujourd’hui. On parle de « recherche opérationelle » pour désigner les méthodes qui permettent ainsi de traiter de manière systématique et efficace des problèmes combinatoires. Dans un schéma de particules à transporter d'un point à un autre, chaque particule sera transportée en ligne droite à vitesse constante, cette vitesse dépendant de la variation de l'espace à proximité du point de départ. Une propriété essentielle du potentiel est que deux particules issues de deux points différents x et y ne peuvent pas se croiser au cours de leur transport.
L'équation de Monge-Ampère est bien connue des géomètres car elle permet, dans certains cas, de reconstruire une surface connaissant le produit de ses rayons de courbure (principaux) en tous points.
L'équation de Monge-Ampère est bien connue des géomètres car elle permet, dans certains cas, de reconstruire une surface connaissant le produit de ses rayons de courbure (principaux) en tous points.
**** Théorie de la Courbure de Ricci (Gregorio Ricci-Curbastro - 1853-1825 - Italien à qui nous devons, avec son élève Levi-Civita, le "Calcul différentiel absolu") :
En géométrie différencielle, la courbure de Ricci, ou "Courbure scalaire", décrit la courbure d'une variété riemannienne ( en géométrie : variété différentielle à structure supplémentaire définissant la longueur d'un chemin entre deux points de la variété). Il assigne à chaque point d'une variété riemannienne un simple nombre réel qui caractérise la courbe intrinsèque de la variété en ce point. Dans un espace à deux dimensions, la courbure de Ricci caractérise complètement la courbure d'une variété. En dimension inférieure ou égale à 3, cependant, d'autres outils sont nécessaires. Habituellement notée R, cette courbure est définie comme la trace du "Tenseur de Ricci", relativement au système métrique.
http://www-fourier.ujf-grenoble.fr/PUBLIS/TSG/Vol24/TSG_vol24_79_100.pdf
(par Cédric Villani).
Résumé : Des liens inattendus ont ét récemment mis à jour entre le transport optimal de Monge-Kandorovich et certains problèmes de géométrie riemannienne, en liaison avec la courbure de Ricci. Une des retombées de ces interactions est la naissance d'une théorie "synthétique" des espaces électriques mesurés à courbure de Ricci minorée, venant compléter la théorie classique des espaces métriques à courbure sectionnelle minorée. Dans ce texte (également fourni aux actes du Séminaire d'Equations aux dérivées partielles de l'Ecole de Polytechnique), Cédric Villani passe en revu ces développements de manière concise et informelle.
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